Le “physicalisme” des Anglo-saxons c’est, sous prétexte de progrès, la destruction de ce qu’il y a d’humain dans l’homme, c ‘est à dire le désordre créatif, ce dynamisme fondamental de la nature, bref la clef de la vie. Mais quelqu’un qui est partie de la nature peut-il vraiment, par la raison et ses inventions technologiques, maîtriser le tout de la nature; n’est-elle pas nécessairement débordante?
Mois : février 2018
Rebut
Trouvé au milieu des déchets de poissons, devant le bistrot du coin, dix chaises usées jusqu’à la corde que le patron venait d’évacuer. Sur le lot, j’en ai prélevées quatre que j’ai chiffonnées et lustrées au produit à vitres. Un plaisir de l’ordre de la reconquête du territoire. A l’opposé de cette prolétarisation de l’esprit qu’impose le modulaire en congloméré qu’il faut réaliser sur mode d’emploi. Fourbissant ce matériel sur lequel, pendant des années, des générations de buveurs ont craché et pété, je me disais qu’il me restait tout de même quelque chose de l’enthousiasme éprouvé il y a vingt ans à Genève quand, d’un squat à un autre, je déménageais nos meubles en tram.
Âmes
Gala et moi sommes, sans plus de doute, des âmes télépathiques, au sens où Artaud, génie des intuitions poétiques, évoquait ce contact transcendant. D’ailleurs, cela est entre nous bien accepté. Ainsi, tout-à-l’heure, je lui disais que découvrant son mail de fin de journée dans lequel elle disait avoir lu Heidegger sur la question de la technique, j’avais le jour même (nous sommes à deux mille kilomètres et sans rapports), passé des heures à étudier le notion de “sculpture du cerveau” et l’effet des pratiques numériques sur l’esprit, mais surtout, dans le cours de notre conversation par internet, je l’entend définir, mot pour mot, le problème tel que je l’ai fait à part moi, plus tôt, en solitaire.
Chaises-longues
Dans l’après-midi, j’ai déboulonné les chaises longues de la terrasse supérieure achetées il y a un an comme Gala, admirant la mer ouverte, s’exclamait: je ne peux imaginer lire autre part qu’ici et couchée, mais, Alexandre, comment va-t-on faire sans chaise longue? De mémoire, je dirais qu’elle ne s’est pas étendue une seule fois dans ses chaises; quant à moi, la position couchée me fatigue. Comme me fatigue de monter et démonter sans cesse des meubles.
Femmes
“Viens dans l’eau!”, me disait-elle. Sauf qu’elle se baignait en mer d’Oman et que si je me trouvais bien sur la grève, c’était celle d’Ouchy, près de Lausanne, à des milliers de kilomètres. Sans hésiter, je prenais l’avion et débarqué je marchais sur l’eau, tout habillé et sans lâcher ma valise, pour la rejoindre, amorçant au dernier moment, comme j’allais atteindre le point où elle barbotait, un petit virage de crainte de me noyer. Revenu sur la terre ferme, je songeais, “Quoi! Elle n’est pas l’air plus enchantée de me retrouver! Pas même surprise! Enfin quoi? Elle appelle, j’arrive et… “. Placide, je lui adressais une signe qui voulait dire: je vais prendre ma chambre. De ce pas, je me dirigeais vers l’hôtel, un bâtiment vertical et dur auquel on accédait pas un vaste hall. La réception était éloignée, le panneau qui la signalait tout petit. Aussitôt installé, j’étais de retour sur la grève. Assis sur les marches monumentales de l’hôtel, je fixais la baigneuse. Elle me snobait parce que, tout en ayant couché avec elle, je n’en avais rien dit à ma femme dont elle était l’amie. C’était sa façon de me le reprocher. Cependant, qui était cette autre femme à mon côté qui, assise sur les marches, regardait avec moi la mer? Je ne m’en souvenais pas. Pourtant, je savais bien que c’est moi qui lui avait donné rendez-vous ici, à Oman, ce soir. Elle évoquait notre soirée du vendredi et je n’en avais aucun souvenir. Il me fallait maintenant agir comme si je savais, me remémorer nos moments intimes (au total deux jours), sans avoir la moindre idée de l’état amoureux dans lequel nous étions censés nous trouver en cet instant.