Paralogisme

Dans l’avion qui me ramène à Séville, deux sœurs petites, belles et drôles. Elle sont assis­es der­rière moi. Pen­dant deux heures, elles jouent. Chose éton­nante — l’aînée n’a pas six ans — avant de com­mencer, elles dis­cu­tent les règles du jeu. Enfin, l’ap­pareil entame sa descente. Au sol, la cam­pagne sèche d’An­dalousie jalon­née de ses retenues d’eau. Mon siège est dans la rangée vingt-six, j’ai la vue longue sur les autres pas­sagers. Et que vois-je? Dans un mou­ve­ment qua­si syn­chrone, tous les pas­sagers se pressent con­tre les hublots. S’en­suit un moment de silence, puis des com­men­taires. Le jeune cou­ple instal­lé devant moi:
-Tu vois? Tu as vu? Qu’est-ce que c’est?
- Je ne sais pas, je ne sais pas, fait la fille.
Alors la cadette des goss­es, der­rière moi:
-Papa, l’hélice s’est arrêtée!
Assis côté couloir, je ne peux pas juger par moi même, ma voi­sine, une Gali­ci­enne avec qui j’ai échangé quelques mots, rem­plit le hublot. Ma main se crispe sur l’ac­coudoir. Le père tran­quille­ment:
-Mais non Cindy, c’est un volet. Il se lève pour frein­er l’avion. Tiens, je vais te mon­tr­er… Nous planons… dans l’air…