Penser que ce pays avait des habitants, des qualités et des défauts, une cuisine, une langue, une activité originale sous le ciel. Mon but n’est pas de vexer: quelle poubelle! Des rues à l’architecture aimable avec ça et là, montré par des panneaux en trois langues, des monuments. Sur ce décor retoqué, les noms des empires planétaires: Nespresso, Flunch, Zara, Orange, Adidas. Côté liquide et solides, des ordinateurs avec humains intégrés qui servent des rations. Les passants poursuivent en sifflant des sodas en gobelets ou en mangeant des débris de viande, l’air heureux — je veux dire, drogué. D’ailleurs la terre entière s’est donnée rendez-vous atour du Capitole. Pas une ethnie qui n’ait ses élus. Avec un point commun, le téléphone portable. L’ambiance est désespérante. La culture, d’entreprise. L’avenir, à la traite. Le présent, informe, invertébré, bête. Pour entretenir ces espèces encagées, des militaires de toutes couleurs et de toutes races patrouillent le Famas en bandoulière. Et au ras du sol, les loqueteux professionnels, Roms, punks, barbus, givrés, techno-lesbiennes, des chargés de mission en quelque sorte, il rappellent au passants zombifiés combien leur sort est chanceux.