Calatayud


En route pour l’Aragon et la Navarre, nous réser­vons dans une des ces auberges du siè­cle d’or telles qu’on les trou­ve dans El Crit­icón ou Don Qui­chotte : le patio plan­té de galets donne sur l’étable où les voyageurs remet­taient leur mon­ture au pale­fre­nier, la salle à manger est au-dessus de la cave à vin et pos­sède une chem­inée où rôtir les bêtes entières, les dépen­dances et les cham­bres s’empilent jusqu’au toit qui des­sine un car­ré de ciel. Sauf que l’auberge est con­stru­ite au milieu d’un labyrinthe de rues, que les pan­neaux sens unique le dis­putent aux impass­es et qu’il se tient un con­cert de rock de trois mille per­son­nes sur le place d’Espagne. Des Roumains nous ren­seignent. La femme, puis elle et son mari, puis les cousins. Les expli­ca­tions qui durent ne sont pas faites pour ras­sur­er ; d’ailleurs, il n’y en a pas.
-Essay­er par ici, puis deman­dez à nouveau!
Au bout de vingt min­utes, excédé, je prends la mesure de la sit­u­a­tion. Soit nous  repar­tons, mais alors je perds le prix de la réser­va­tion, soit j’abandonne la voiture et nous finis­sons à pied – mais com­ment aban­don­ner une voiture qui bouche com­plète­ment la rue ? Alors, je remue les bar­rières de police et comme un cortège prési­den­tiel, agi­tant la main par la fenêtre, nous tra­ver­sons au milieu des trois mille per­son­nes qui écoutent leur concert.