1970

Une navette descend du ciel. Elle se pose dans les champs, devant la muraille de la ville, au milieu des gens. Avec les autres, j’ap­proche. La porte s’ou­vre, les pas­sagers se présen­tent sur la passerelle. Cha­cun d’en­tre nous voit alors défil­er sa réplique, mais avec la coupe de cheveux, le cos­tume et le com­porte­ment des années 1970. Le pas­sager de tête a les rou­fla­que­ttes de Gary Glit­ter.
-Tu imag­ines leur éton­nement quand ils con­stateront que nous sommes aus­si avancés! Me dit mon voisin.
Tout à ma pen­sée, je ne réponds pas. “Com­ment se fait-il, me dis-je, que nous ne soyons pas curieux de savoir qui sont ces gens qui ont quit­té la terre voilà un demi-siè­cle?“
Bien­tôt, les pas­sagers demeurent seuls au milieu des champs, devant la muraille de notre ville. Puis la navette est déman­telée, mis en pièces et rangée dans des caiss­es. Une expo­si­tion a lieu sous tente, sorte de bro­cante dans laque­lle on peut se fournir des morceaux de la navette, mais la vis­ite déçoit: ce ne sont que boulons, vis, pan­neaux, poignées. Un objet retient mon atten­tion et ce n’est pas un hasard s’il est en vit­rine: une ramas­soire en bakélite dans laque­lle sont moulées deux tass­es à café pour express­es. J’es­saie de me représen­ter un cou­ple buvant son café à l’aide de cet usten­sile. Cet objet pub­lic­i­taire, me dit la vendeuse, nous rap­pelle que la société des années 1970 pro­dui­sait quelques incongruités.