Millions

Bernard Tra­ven, d’après Pas­cal Van­den­berghe, l’au­teur de la pré­face du recueil de nou­velles Le cha­grin de Saint-Antoine, aurait ven­du trente mil­lions d’ex­em­plaires de son pre­mier (et for­mi­da­ble) roman Le vais­seau de morts. Cette semaine, Stéphane Fretz, mon édi­teur chez Art&Fiction, me dis­ait que mal­gré son Grand prix fédéral de la lit­téra­ture, Lau­rence Boissier n’e­spérait guère ven­dre plus de quelques cen­taines de vol­umes; quand à Gérard Berré­by, chez Allia, il me dis­ait qu’il n’y a pas en France dix écrivains de lit­téra­ture qui vivent con­fort­able­ment de leur plume. Ici s’ar­rê­tent les spécu­la­tions. Le con­stat est fait: on ne lit plus les écrivains. Quelques chapelles aux rites con­ser­va­teurs refusent de céder le ter­rain entier à l’élec­tron­ique de diver­tisse­ment. Elles four­nissent les derniers lecteurs assidus. Mais je gage qu’ils ont un âge cer­tain et que leurs chapelles bien­tôt devien­dront mon­u­ments. Alors nous écrirons comme les alchimistes fab­ri­quaient l’or dans leurs cor­nues, en cave et traités de fous.