Balade de proximité dans le quartier populaire El Palo. Situé à l’est de Malaga, serré entre des maisons basses de pêcheurs qui donnent sur le sable et des montagnes rouges, il date des années 1960, époque dont il garde les traits. La rue commerçante est sombre, encadrée de grandes façades qui font rideau. Au pied des immeubles, des ribambelles d’arcades, certaines de métiers anciens, merceries, cordonniers, tailleurs. Plus loin un passage, au sens de Walter Benjamin; j’en ai vu de semblables à Budapest, demi-borgnes, dallés de marbre et mal éclairé avec, en plus, ici, ces entrées de conciergeries en bois vitré. Puis, à la perpendiculaire, dans la rue Villafuerte, un alignement d’orangers. Chaque arbre porte cent fruits. Certains roulent dans le caniveau. A les suivre du regard, on remonte la pente qui forme une perspective digne de la Renaissance pour s’achever contre la montagne, toute de terre et vierge. Dans la parallèle, une baraque peinte à la chaux: vente de charbon, miel, glaçons. Au supermarché, je cherche du lait de noix de coco. Les Chinois ne manquent pas. Ils sont même plus nombreux que le reste de la semaine, puisque le samedi après-midi les Espagnols ferment boutiques. Mais il n’y a pas cette sorte de lait. Toujours à vélo, je redescends vers la mer. Sous la rue commerçante, qui est en sens unique, des rues plus étroites, habitables. Une sur deux est interdite au trafic. Au sol, du carrelage, à l’embouchure de gros cailloux. Les voisins entreposent leurs affaires devant chez eux, sèchent leur linge, installent des tables. Celui-là a un bateau appuyé à l’entrée du salon, cet autre des cannes en perches de bambous. En regagnant la plage, je roule devant le crématorium. Au milieu d’une foule, les croque-morts sortent un cercueil du corbillard. En surplomb, il y a le stade de football. Une fête s’y déroule, la musique disco résonne au-dessus des familles en deuil. Je poursuis le long de la côte. Près de la crique de l’Araignée, une tour de surveillance comme il y en a sur la Costa del sol. Ronde, poussiéreuse, sans toit, au-dessus de l’eau. Des pêcheurs à la ligne se tiennent sur les rochers. Quelques maisons sont regroupées là, sur l’éperon. Personne n’y vient, car à cet endroit la montagne est exploitée par une fabrique de ciment qui rejette des tonnes de poussière fine. De la tour, on aperçoit la carrière supérieure et, sur la route d’Almería, un bar d’un étage, construit dans le plus mauvais endroit du pays, sous la fabrique, contre la route, à peu près inaccessible. Le bar Mesa, littéralement “bar table”. Une barrière empêche les buveurs de tomber sur la route lorsqu’il sortent du local. Pour revenir au groupe de maisons, les deux ruelles, l’une de dix mètres, l’autre plus courte, portent des noms d’écrivains: Calle escritor Luis Léon et calle escritor Mc Kinlay. Probablement les moins visitées de toute la région.