Tandis que l’avion atterrit à Londres Southend, je lis les dernières lignes du journal tenu par Maurice G. Dantec tout au long de 1999, Le théâtre des opérations et j’y trouve, juste avant la note dernière qui évoque les bombardements en Tchétchénie, une critique de l’album Urban Hymns de The Verve: “Un pur joyau de la pop’music britannique […] les ornementations orchestrales psychédéliques de The Bitter Sweet Symphony…”. Éloge long, sincère de cet disque clef qui venait de paraître. Deux heures plus tard, nous prenons place avec Gala sur les gradins de la salle de concert O2-Arena dans North-Greenwich. Les écrans qui surmontent la scène s’allument. Encadré de deux gardes, Richard Aschcroft en veston à paillettes a quitté sa loge. Il arpente les souterrain, il marche marche vers la scène. Sept mille personnes applaudissent ces images. Parcouru de rais stromboscopiques, la foule ressemble à un tapis de pixels. Ecrans noirs, l’ex-chanteur de The Verve apparaît. Il lève les bras et entonne Out Of My Body, premier titre du nouvel album. Sa démarche raide de drogué s’efface quand il attrape sa guitare. Il joue This Is How It Feels. Derrière, la formation standard, batterie, basse, guitare, clavier; sur les tréteaux, un orchestre de violoncelles et de violons. Cheveux blancs en pagaille, le chef dirige. A l’avant-scène, Richard Aschcroft. Grand bonhomme maigre en costard. Dédaignant tout effet de spectacle, il chante. Pas de danse, de mouvement ostentatoire, de “chorégraphie” comme disent les enfants qui ne voient pas que l’articulation robotique de danseurs ramassés dans les fitness a d’abord pour but de cacher l’indigence de la musique que fabriquent les multinationales. Hormis un Music Is The Power caricatural qui tourne à l’hymne humanitaire et quelques finals cacophoniques qui déparent, un concert de musique pop où chaque note est audible, où la voix ne faiblit pas, où la section à cordes, plus encore que sur les albums, apporte aux compositions cette qualité aérienne qui faisait déjà originalité de The Verve. Et pour finir, après un tour de chant de trente titres qui parcourt tous les albums solos, sous les acclamations, Richard Aschcroft retire ses lunettes de soleil: “maintenant, un titre que vous connaissez, je l’ai écrit il y a vingt ans”. Il baisse la tête, les violons montent en puissance pour The Bitter Sweet Symphony.