Descendu la côte en direction de Cadix. Une pluie torrentielle ralentit le trafic. L’autoroute traverse un décor qui évoque Mexico et Pattaya. Bâtis à quelques mètres de la glissière de sécurité, défilent des snacks et magasins aux façades peintes. Au-dessus, trônent les cités satellites. Les plus modestes comptent cinquante logements. Certaines en ont dix fois autant. Des forêts d’enseignes recouvrent ces termitières. La plupart affiche des noms rêveurs: Copacabana, Golf paradisio, Playa ocaso. Et à leur pied, Excellent furniture, Fich&chips, Bar Notthingam.
Adolescent, lorsque je conduisais sur les huit pistes en désordre du périphérique de Mexico, je me demandais comment sortir de ce goulot ceint de murs. Ici, rasant les villas de vacances des gens du Nord, je me demande comment font les estivants pour gagner la mer. Est-ce qu’ils traversent? Roulent-ils des heures pour atteindre cette plage qui pendouille sous leur balcon?
Passés Torremolinos, Marbella et Puerto Banuz, le décor perd en densité. Les grues rouillent au-dessus des parcs de villas à l’abandon, les hangars sont troués, les réverbères osseux.
Aux environs de la Línea (la ligne), le village limitrophe de Gibraltar, nous quittons la A7 pour pénétrer dans une ville nouvelle. Les rues transformées en ruisseaux ralentissent notre progression. Je manque un gendarme couché, la Dacia pique dans le fossé. Je redresse, conduis le visage contre le pare-brise pour anticiper les obstacles. Soudain, un panneau annonce une Route culinaire et gastronomique. Requinqués, nous roulons. Au bout de dix minutes, il faut renoncer. Pour la première fois depuis que je voyage en Espagne — cela remonte à l’année 1975, il y a quarante et un ans- nous ne voyons ni bar ni restaurant.
Vingt kilomètres plus au Sud, nous prenons place dans la salle de cafeteria d’une station service entre des policiers et des chauffeurs de poids lourds marocains en route pour Algéciras. Nous passons par Tarifa. Changement d’ambiance. Des chevaux s’ébattent sur les terres inondées, des chemins rectilignes coupent à travers les près, de vastes haciendas sont posées sur la lande. Perchés sur des montagnes de terre ocre, les villages sont blancs. Vejer de la Frontera semble accroché au ciel. Puis nous franchissons un col avant d’entrer dans le domaine des éoliennes. Elle hérissent par centaines les collines. Montées sur des mâts grillagés, les hélices anciennes sont tordues comme de la réglisse. Les autres, fuselées et brillantes, tournent à grand régime. Enfin, à la tombée du jour, nous empruntons le bras de terre qui amène à la presqu’île de Cadix