En 1972, Montesa a sorti son modèle Cota. La particularité esthétique de cette moto était le carrossage rouge qui unifiait le support de siège et le réservoir, le tout surbaissé; la marque devint une des références du trial. Trois ans plus tard, à Aravaca, dans les faubourgs de Madrid, cette moto devenait le cadeau le plus prisé des gosses de riches. Dans le quartier quelques-uns de mes amis se baladaient sur des Montesa. Nous avions douze, treize, quatorze ans pour les plus grands. Un matin, au Cours Molière, l’école juive que je fréquentais, Maria est annoncée absente. La professeur de français, Madame Bléreau, évoquer un accident. La semaine, notre camarade reparaissait. Elle porte une minerve. Au réfectoire, le surveillant, Vicente (celui qui nous corrige avec un fouet en boyau de cochon), la nourrit de bouillie à la petite cuillère. Maria avait raté un atterrissage sur un parcours de motocross. Elle avait treize ans. Dès ce jour je n’ai cessé de harceler Monpère: je voulais une Montesa. De retour dans la ferme familiale de Fribourg, il m’a acheté une SWM de 175 cm cubes. Si haute que pour monter sur le siège, il fallait disposer deux caisses sur les côtés de l’engin. La plupart du temps, je ratais mon démarrage et la roue avant montait au ciel. N’ayant pas la moindre notion de la propriété, je roulais dans les blés, dans les potagers, sur les allées privées et en forêt. Un paysan m’a poursuivi la faux à la main. J’ai semé le policier de Palézieux alerté par le fait que je roulais sans plaques. Au début de l’été, à Malaga, je vois passer un modèle Cota: mais bien sûr, ais-je pensé, Montesa vient de Monte‑s.a. A l’instant je vois que ces motos catalanes ont été rachetées par les Japonais.