Pour notre dernier soir en Écosse, nous décidons d’allumer un feu. Avec Aplo nous empruntons le sentier à travers champs, rejoignons à pied le centre de Whitburn: trop tard, la boucherie est fermée. Nous achetons de la bière, longeons la route de Bathgate sur deux kilomètres, déposons la bière, démarrons la voiture, grimpons sur la colline où se trouve un supermarché Aldi. C’est un bâtiment blanc dressé au milieu d’un parking aux cases régulières. Les néons l’éclairent de l’intérieur. La nuit tombe. Hormis un couple d’adolescent qui boit de l’alcool assis sur un muret, il n’y a personne. Les portes de verre coulissent. L’air est conditionné. Nous sommes les seuls clients. Bacs réfrigérants, plateaux de fruits et légumes, étagères et palettes de boissons forment quatre lignes parallèles. Nous avançons à travers cet espace lumineux et dégagé, une musique légère sort des haut-parleurs. La plupart des produits sont étiquetés “Ecosse” ou “Irlande”. Sensation d’être les derniers survivants d’un monde à l’organisation parfaite. La caissière nous rassure: “Prenez votre temps!” “Je n’attendais que vous”, semble-t-elle dire. Peu après, lorsque nous démarrons, je traverse le parking en diagonale, sans me soucier des directions et des panneaux. Tandis que nous dévalons la colline, le supermarché paraît dans le rétroviseur éclairé par ses réverbères. Il offre l’aspect d’une station spatiale. Mais voilà: à peine ais-je déposé la viande sur la table de la cuisine et décapsulé une bière, je constate que nous n’avons plus de charbon. Nous remontons en voiture, direction la colline. Retour à la base. Aplo passe les portes de verre du Aldi, reparaît à la hauteur de la caisse les mains vides: il n’y pas de charbon. Nous rejoignons pour la seconde fois le centre de Whitburn: l’épicerie qui n’avait pas de viande vend du charbon. A vingt deux heures, j’allume le feu.