Entré en Suisse par le poste de douane autoroutier de Bâle, nous avons affaire à un malotru bien suisse qui me colle la vignette sur le pare-brise et me menace d’une amende. Au guichet de dédouanement, un freluquet à képi tamponne mon papier sans me dire bonjour ni au revoir. Même quand il m’ordonne de compléter mon adresse sur la quittance d’achat, il fait en sorte de ne pas croiser mes yeux.
En début de soirée, je suis sous-gare à Lausanne, au boulevard de Grancy. Pas de bière fraîche. Je considère la caisse de Pschorr-Hacker rapportée de Munich. Soit je me résous à boire tiède soit je sors en quête d’un magasin. Il ne fallait pas sortir: je sors. Dans les étages de la gare, un supermarché est ouvert. Vingt personnes devant, le triple à l’intérieur. La police assure la circulation. J’abandonne. Je fais le tour du quartier. Je suis à Lausanne, Kinshasa ou Marrakech. Six Fiat rouges de location remontent l’avenue Fraisse décorée de ballons. Une opération publicitaire pour une pizzeria rapide. Les bras dressés au milieu de la route, le patron, un barbu sorti de mosquée, guide le cortège. Les voitures défilent au pas. Derrière les volants, autant de musulmans. Cent mètres plus bas, je trouve la pizzeria. Pas d’alcool. Je m’enferme dans l’arrière-boutique et jure de ne plus mettre le nez dehors avant le jour du départ.