D’Espagne, je veux envoyer une carte postale. Cela me prend trois semaines. Procrastination, mais aussi difficultés matérielles; je cherche un bureau de tabac, il est à l’ancienne: le commis me reçoit les mains posées sur le plan de bois. Et me connaît: je suis venu en avril accompagné de mon fils pour acheter du tabac en vrac. Aplo voulait lancer une fabrique de cigarettes dans son internat. Il me désignait une boîte de la marque Benson & Hendges. Le commis me la tend. Mais la légèreté de la boîte est telle que je pense à un exemplaire de démonstration, sans contenu. Est-il possible de vérifier? Le commis retire le couvercle plastique, me montre l’opercule d’aluminium. Et aujourd’hui, je veux une carte postale. Il réfléchit. Ouvre un tiroir. Plutôt: le décoince. Une vue de la plage. Pour prix de son effort, j’achète la carte à deux exemplaires. A‑t-il des timbres? Pour cela, il faut aller à la poste. Je crois savoir où elle est. Où elle était, corrige le passant auprès de qui je me renseigne. Bref, à la fin de la journée, j’y suis, ma carte est rédigée… et je ne trouve pas de boîte à lettres. Réflexion faite il doit y avoir dans mon village autant de rédacteurs de cartes postale que de Leibnitziens ou d’amateurs de Hornüss. Quelques jours plus tard, je repère une boîte. Bien entendu, je n’ai pas la carte sur moi. Ainsi, trois semaines plus tard, je glisse ma carte dûment rédigée dans la fente. Et aujourd’hui, un mois plus tard, à Paris, on me dit:
- Non, nous n’avons rien reçu.