Nuit à la Victoria

Alors que je fais des repérages pour le film que je prévois de tourn­er à l’aide d’un drone, je m’ar­rête dans un bar de la Vic­to­ria. Il est trois heures du matin, mon voisin est un Arabe qui bois du rouge à grands traits. Entre deux ver­res, il éponge son men­ton ensanglan­té.
- J’ai pris un coup.
- Ah!
- Un coup.
- Je com­prends.
 A ce moment là, je fais signe au serveur avec l’idée de sor­tir au plus vite, mais l’Arabe pour­suit:
- Ouais, ouais, ouais.
Et il me racon­te la bagarre qui vient d’avoir lieu à l’en­trée de la dis­cothèque de quarti­er. Une alter­ca­tion, trois gars sur lui. Il s’échappe, ils le repren­nent. Il en assomme un, file et se trou­ve au milieu des voitures à l’ar­rêt. Il se baisse, se cache, mais voilà que les voitures démar­rent. Les gars le troussent, le jet­tent à terre.
- C’est quand j’ai allumé une cig­a­rette après avoir cogné… je la roule, comme ça.. de droite à gauche… j’ai sen­ti qu’il man­quait une dent. Alors j’ai recon­nu la sœur d’un copain, elle m’a demandé si je m’é­tais bat­tu. Bien sûr que non, j’ai fait. Mais elle voy­ait que je m’é­tais bat­tu. Je lui ai dit de ne pas me chauf­fer la tête. Et toi, tu vas dans cette dis­cothèque?
- Non.
- Moi je préfère venir ici, c’est plus tran­quille. A la fer­me­ture, je net­toie un peu et comme ça, j’ai le vin gra­tu­it. Et toi, tu fais quoi?
- Je dors par là…
- Par là ou du côté du cen­tre com­mer­cial?
- Côté plage.
- Ouais, ouais, c’est pas mal.
- Mieux qu’en Suisse.
(Remar­que stu­pide, trop tard).
- Où?
- Où il fait froid.
- Ah, ouais.
- Moi, je dors pas. Il y a tou­jours des his­toires de filles et après elles me dis­ent de retourn­er dans la rue. Enfin, comme tu es un peu vieux, tu dois savoir tout ça.
- Oui.
- Ouais, alors tu vois, les dents… J’en ai encore plein des dents!