Démeubler

Le pro­prié­taire com­prend ma demande: en effet, la tête de lit bran­le et le mate­las est trop étroit, mais si je veux com­man­der un lit dou­ble de grande taille, il lui fau­dra stock­er celui qu’il a mis à ma dis­po­si­tion. Jusqu’i­ci, il n’avait pas exigé de par­tic­i­pa­tion au loy­er du garde-meu­ble, mais un lit, c’est encom­brant, n’est-ce pas? Nous tombons d’ac­cord: ma con­tri­bu­tion à la loca­tion de la pièce d’en­tre­posage s’élèvera à trente francs par mois. Com­bi­en mesure-t-elle?  Il cherche dans ses papiers: 8 mètres, dix mètres? Mais le pla­fond est élevé, je peux dis­pos­er sur la hau­teur, pré­cise-t-il. Ain­si, on payait pour  louer les apparte­ments et les meubles, désor­mais on paie égale­ment pour démeubler les apparte­ments, du moins dans les sociétés pau­vres où les apparte­ments sont petits et n’of­frent aucun espace de réserve. Dans cet esprit on pour­rait imag­in­er acheter des meubles dont l’usage aurait un coût séparé. Le buf­fet du salon m’ap­par­tient, mais chaque fois que j’ou­vre ses tiroirs, je m’ac­quitte d’une taxe. Ou encore, je pos­sède une casse­role, mais à la fin du mois, je reçois une fac­ture à pro­por­tion du nom­bre de fois où je l’ai mise sur le feu. Après tout, lorsqu’on achète une voiture, on ne peut rien en faire: pren­dre le volant et démar­rer implique de s’être acquit­té d’une dizaine de postes budgé­taires. Les ban­quiers qui créent de la mon­naie scrip­turale à par­tir de leurs claviers d’or­di­na­teurs pour­raient ain­si aug­menter la masse des crédits et accélér­er le pil­lage des travailleurs.