En début de soirée, quand je me mets en route pour la ville, une lumière magnifique illumine la baie. L’air est chaud, les falaises brillent, un groupe d’adolescents entre à reculons dans la mer en battant des mains. Sur le quai, les restaurateurs acheminent du bois noueux qu’ils entassent dans ces chaloupes en suspend qui servent de brasero. Il est 17h30, des clients finissent leur repas de midi. A mesure que j’approche du port de plaisance, les plages se remplissent. Vers la grande digue, les baigneurs sont Hollandais, Anglais, Belges, des touristes descendus des bateaux de croisière. Passé le secteur douanier et le pont d’embarquement des ferries pour l’Afrique, j’emprunte le second quai, celui des Espagnols et brusquement le soleil disparaît, les contours de la ville s’estompent, je ne vois plus la plage, toute devient gris et vaporeux. Je cherche un foyer d’incendie, je recule, j’observe les gens couchés sur la plage: ils se sont levés, ils scrutent l’horizon. J’entre dans les quartiers, gare mon vélo dans ne perpendiculaire: les rues sont lumineuses et chaudes. Dans un magasin d’étoffes, je veux acheter des rideaux. Des couples fraîchement mariés discutent fronces, ourlets, jalousies — j’abandonne, regagne les quais, m’incorpore à cette masse d’air flou qui roule sur l’eau et envahit la ville. Je descends de vélo et vais au pas de crainte de heurter un passant. Étrange phénomène. Pour mieux le mesurer, je recommence. Retourne à la hauteur du magasin, plonge dans le gris. La température baisse de 5 degrés quand on franchit la limite des deux espaces. En cillant des yeux, je vois cet air: il est composé de petites larmes qui poudroient.