Prodiges



Etrange fas­ci­na­tion des Améri­cains pour la pré­coc­ité intel­lectuelle. Evo­quant J‑M. Keynes, Robert. L. Heil­bron­ner écrit : « A l’âge de qua­tre ans et demi, il s’interrogeait sur la sig­ni­fi­ca­tion économique de l’intérêt ; à l’âge de six ans, il se demandait com­ment son cerveau fonc­tion­nait. » Le sérieux du ton ajoute au scep­ti­cisme du lecteur : com­ment l’auteur le sait-il ? s’il le tient d’un fam­i­li­er, com­ment l’entend-il ? A Détroit l’an dernier – je l’ai noté dans mon livre – des femmes exci­taient la curiosité d’interlocuteurs choi­sis au hasard, dans le bus ou au super­marché, en van­tant les prouess­es lan­gag­ières de leur progéni­ture, des mou­flets enruban­nés et aphones. Du point de vue européen, on se demande si cette fan­tas­magorie ne relève pas de la super­sti­tion religieuse où « dire c’est faire » pour par­o­di­er X, dans ce cas établir après coup pour une per­son­nage célèbre, Keynes, une prédes­ti­na­tion ou, dans le cas de la louange mater­nelle, pour attir­er la grâce sur son enfant.