Sanglier

Dans ce petit marché aux puces de quelques tables, des hor­loges, de vieux out­ils, des bibelots de bro­can­teur. Je flâne, je remue des fonds de car­tons. Soudain, sur un stand nap­pé de velours, je trou­ve une cuisse de san­gli­er. La pro­prié­taire s’ap­proche, saisit une couteau et coupe une tranche d’une épais­seur de dic­tio­n­naire.
- Je vous l’emballe.
Et avant que j’aie le temps de répon­dre, elle s’exé­cute. Je sup­pute le prix que j’au­rai à pay­er, me demande si la viande est encore bonne, si même elle est con­som­ma­ble. Penché sur la cuisse poilue et grise, je trou­ve alors un doc­u­ments plas­ti­fié, com­posé de textes et de pho­togra­phies, c’est un expli­catif. On y voit le mari de la pro­prié­taire en tenue de chas­seur avec à ses pieds le san­gli­er abat­tu, puis une carte indi­quant la région de prove­nance, les men­su­ra­tions et le poids de la bête, le fusil util­isé, la mai­son du chas­seur. Et je lis: tué en 2000. La tranche de viande que je viens d’a­cheter a quinze ans.