S.

S, la prime­sautière, est à Milan. Je lui pro­pose de nous rejoin­dre. Elle utilis­erait le bil­let de Gala. J’ai hésité. Non pas à vouloir, mais a deman­der. Une fille de vingt-trois ans, un père accom­pa­g­né de ses enfants qui pro­pose… Cette fille m’a fait forte impres­sion: car­ac­tère vif, intel­li­gence, volon­té, à‑propos. Auprès d’une de ses amies, je m’en­quiers:
- Viendrait-elle?
- C’est à elle qui faut deman­der.
Réponse de femme. Pau­vre de nous! Je demande par écrit, n’ob­tenant pas de lui par­ler au télé­phone (encore un bon signe). “Pourquoi pas”, dit-elle. “Peut-être bien.” Puis: “oui.” Et me voici roulant cinq cent kilo­mètres le jour de l’an­niver­saire des seize ans d’Ap­lo, ce huit août, à bord de ma voiture de loca­tion, pour aller chercher S.  à l’aéro­port de Mála­ga. Je la trou­ve attablée sur l’e­s­planade extérieure, en con­ver­sa­tion avec un Anglais qui vient voir sa femme à Mar­bel­la, boit une bière grand for­mat, ne sem­ble pas pressé de par­tir et encore moins quand je fais val­oir qu’ayant raté la sor­tie pour l’aéro­port j’ai con­staté qu’il y avait un embouteil­lage sur l’au­toroute en direc­tion du Sud. Après quoi, tirant la valise de S., je la guide vers le park­ing où je me mon­tre inca­pable de retrou­ver la voiture. Sûr de mon affaire je désigne une case: elle est inoc­cupée. Puis une voiture, ce n’est pas la bonne.
- J’au­rais juré…
Pour­tant, j’ai mémorisé le numéro de place. C’est donc le niveau. Nous ne sommes pas au bon niveau. Nous retournons aux ascenseurs. Je reprends de l’as­sur­ance, nous renouons avec la con­ver­sa­tion. Cette fois le niveau sem­ble être le bon, mais pas le numéro de place. “Cette voiture, com­ment est-elle?” demande S. Je hausse les épaules:
- Grise?
Je laisse S. devant les ascenseurs, trou­ve un dis­trib­u­teur de tick­ets, enfonce le bou­ton de l’in­ter­phone.
- J’ai per­du ma voiture.
- Vous avez besoin d’une chaise roulante?
- Par­don?
- Nous livrons des chais­es roulantes. Où êtes-vous?
- Je ne sais pas, mais je cherche ma voiture.
- Désolé.
Fin de la con­ver­sa­tion.
Au troisième niveau en sous-sol, deux femmes dans une cab­ine de verre. Elles tri­ent les effets d’un sac à main qu’elles vien­nent de vider devant leurs claviers d’or­di­na­teurs.
- Pourquoi n’a-t-il pas tout volé?
- C’est joli ça ! Moi je l’au­rai volé!
Je demande leur aide. Elles souri­aient, elles ne souri­ent plus.
- Faites voir votre bil­let! Tout ce que je peux vous dire, c’est que vous êtes entré au niveau moins 1.
Alors je com­prends. Toute chose étant rel­a­tive, il faut être sûr de son point de départ.
Quand nous arrivons à La Isle­ta, à une heure trente du matin, Aplo dort sur le canapé du salon. Je mon­tre sa cham­bre à S, nous man­geons une pastèque avec Luv.