Hommes bleus

Khao San, Bangkok, la rue où rien n’étonne per­son­ne. Promenez-vous avec une casse­role sur a tête, nul ne se retourn­era. Or, un cou­ple pro­duit la stupé­fac­tion. Je suis choqué. Jusqu’au bassin, tous deux sem­blent avoir été trem­pés dans un pot d’en­cre. Leurs jambes sont uni­for­mé­ment bleues. Au-delà, la peau est com­plète­ment tatouée, mais dépourvue de motifs. Le vis­age et une par­tie du crâne sont égale­ment bleus mais striés d’é­clair rouges, jaunes et noirs for­mant un chaos. Plus une cen­timètre de peau naturelle nulle part. Le garçon, lui, à la moitié de la tête rasée et tatouée. La fille a les cheveux relevés et les tach­es d’en­cre remon­tent au-dessus des oreilles. Leurs yeux sont trafiqués au moyen de lentilles de con­tact. Ils sont jaunes et rouges. Ils vont pieds nus, comme des lézards qui tiendraient sur les pattes arrière. L’ef­froi se lit sur les vis­ages des pas­sants. Rap­port au corps, jamais il ne m’avait été don­né de voir acte aus­si fou. Hier encore, revenant sur mon éton­nement, je songeais aux par­ents de la fille. A leur dés­espoir. Et bien enten­du à l’avenir impos­si­ble de ces deux bêtes de foire.