Mandalay

Atter­ri à Man­dalay. Dix-sept pas­sagers. Un cou­ple musul­man et leur fille de cinq ans, voilée. Un cou­ple de colonels dont l’un dort la tête appuyée sur l’é­paule de l’autre. Deux jumelles bir­manes, en robe, les cheveux tressés en nat­te. L’une prostrée. Bien­tôt, elle étouf­fera son nour­ris­son. Lorsqu’elle a fini de lui don­ner le sein, elle se redresse et vom­it sur ses san­dales. L’hôtesse accourt. Le sac de papi­er glis­sé dans la poche de chaque siège doit être ouvert par déchire­ment. La languette retirée, il est trop tard. En approche de piste, j’en suis tou­jours à me deman­der si nous atter­ris­sons bien à Man­dalay. Par le hublot, je ne vois que des cam­pagnes inhab­itées. Au sol, deux appareils d’Air Bagan. Voy­ageant sans bagage, je suis le pre­mier à sor­tir de l’aéro­port. Le prix du taxi paraît énorme. Douze francs. Un ado­les­cent à mous­tache ges­tic­ule sur le park­ing désert:
- Very far!
En effet. La voiture roule dix kilo­mètres sur une route neuve et défon­cée. A la per­pen­dic­u­laire, des tronçon inachevés, encore rouges de terre, mar­qués par les campe­ments des ouvri­ers. Devant le taxi, des gens qui marchent, des enfants en pyja­ma, quelques ani­maux. Puis un péage, et à nou­veau des cam­pagnes ensoleil­lées. Enfin, nous entrons dans la ville et c’est une suc­ces­sion d’ate­liers, d’épiceries, de gar­gotes, au sol, sur pilo­tis ou en dur. Le plan urbain est quadrillé. Les rues por­tent des numéros. La voiture se fau­file entre des camions chargés d’ail, de pneus, de lessiveuses, de meubles; motos et vélos dépassent puis sont rat­trapés. Une heure plus tard, mon chauf­feur, un gamin qui tou­sse la pol­lu­tion, nous engage dans un chemin. L’hô­tel est bâti entre deux ter­rains vagues et une réserve de bull­doz­ers. Un marais aus­si. Une zone en devenir de la petite périphérie. Une bel édi­fice pour­tant. Je red­oute l’ab­sence de bar. Il y a un bar, un restau­rant et des cham­bres soignées même si l’en­vi­ron­nement ressem­ble à Hiroshi­ma après puni­tion. Dans la soirée, des groupes de français chenus débar­quent de bus. Les même qu’au Laos. Con­temp­teurs de l’empire colo­nial qu’ils n’ont pas con­nus. Gens dis­crets, un peu per­dus, qui vont de mon­u­ments en mon­u­ments der­rière des guides. Et, mieux que tout, il y a des vélos de location.