Mike Horn

Dans l’est de la Sibérie, au milieu des glaces, une cabane et trois hommes autour d’un feu. Mike Horn filme. Il vient de marcher huit milles kilo­mètres en soli­taire et partage un repas sous ce toit. Ces vis­ages sont les pre­miers qu’il ren­con­tre depuis six mois. Un petit poêle chauffe l’u­nique pièce, alen­tour rugit un vent glacé. Les éten­dues sont blanch­es et infinies. Ce que le film ne dit pas, c’est que Mike Horn va repar­tir le lende­main pour la suite de son périple, tan­dis que ces hommes vont rester. J’es­saie d’imag­in­er leur vie. Pas leur exis­tence, leur vie. La mort doit être une con­tin­u­a­tion de la vie. Toutes deux sont des moments. Naturelle­ment liés. Il n’y a pas de rup­ture. Ain­si les gestes du quo­ti­di­en s’in­scrivent-ils dans un régime dou­ble: à la fois quo­ti­di­en, triv­ial et sacré. Réal­ité que nos con­sciences hys­tériques ne peu­vent plus appréhen­der. Avec pour résul­tat cette con­séquence para­doxale: nous mar­quons à chaque minute nos vies de l’empreinte de la mort. Cepen­dant, tout en étant, plus que tout autre, inca­pable de déroger à cet état, au point d’en souf­frir, je crois que cette hys­térie est la con­di­tion de la civilisation.