Me voici donc à côté d’une femme. Une amie que je croise pour une fois seule, sans son homme. Elle tient à ma disposition des cigarettes. Il fait grand soleil. Elle me commande un café, le paie et m’écoute. Elle ne peut me faire plus grand cadeau. Non que je veuille à tout prix parler, mais je veux réfléchir. Or, sans son écoute, je ne pourrais réfléchir avec le même optimisme et dans le même état de confiance. Cette femme est comme une mère: elle écoute. Lorsque je m’interromps pour soupeser un propos ou noter la réaction qu’elle oppose à mes paroles, elle hoche discrètement la tête pour m’encourager à continuer. Je pousse ma réflexion, qui consiste, si je vois bien, à considérer la ville qui se déploie devant la terrasse où nous sommes assis elle et moi, afin d’établir la nature de notre rapport avec cette ville et ce qu’il faudra faire pour vivre pleinement notre vie. J’élabore ma pensée, qui, en fin de compte, donnera ceci, dans ces termes, agencés de cette manière académique pendant le sommeil (je ne me souviens d’ailleurs pas avoir jamais utilisé le mot “ancillaire” auparavant): “la femme a une vocation ancillaire, elle tient le foyer, elle est l’axe du monde. Lorsque son regard s’intéresse au monde plutôt qu’au foyer, elle déblatère. Est-ce que je dirais plutôt “babil”? Sans foyer, une femme ne sait qu’être grande. Oracle ou prophétesse. De telles femmes n’ont plus rapport aux hommes, mais aux dieux. Les vestiges de cette aptitude à la transcendance subsistent aujourd’hui dans la qualité de leur intuition. Les meilleurs des femmes peuvent encore trancher des problèmes complexes sans recours au raisonnement, signe qu’elle ont part au feu premier”.