Las Medulas, dans la région de Ponferrada, une des plus importantes mines d’or à l’époque de Pline l’ancien. Nous dormons à l’abri d’une forêt de châtaigniers, dans une auberge construite en bois, en pierre et en ardoises. Avant que la nuit ne tombe, nous courons avec les enfants sur le sentier qui mènes aux grands effondrements, nommés cuevas, puis commandons de la bière en terrasse. Six motards hirsutes commentent la route de la journée, les kilomètre, les boucles et les cols tandis que le propriétaire grille les châtaignes dans un cylindre qu’il tourne à la manivelle au-dessus d’un feu. Dans une série de jardinets jonchés de pierre sèche, des oies, des palombes, des chiens, des dindons. Plus loin, dans le creux du talus, une cave naturelle où le paysan fait son vin, un liquide noir, passé, dans lequel maman trempe les lèvres. Béret sur le tête, flanqué de leur femme qui porte la jupe, des paysans passent sur des tracteurs miniatures. Ils montent dans les collines avec des seaux et récolent les châtaignes. Entre deux services de bière, la maîtresse de maison lave les vitres de la véranda. Puis elle propose de faire notre linge, grille de la viande, apporte des lamelles de jambon, une soupe à l’ail, siffle les chiens, les nourris, renseigne les motards et met la table pour les douze hôtes du soir. Face au téléviseur, dans l’entrée du bar, la grand-mère de 86 ans. Rencognée, une bouteille de vin rouge et un bol de pain sur la table, elle regarde des dessins animés. Sentiment d’avoir atteint un lieu vierge. Le comportement est changé. Plus de paroles oiseuses, plus de pose. Des silences, et l’aboiement des chiens, le bruits des animaux, les craquements du feu, les chutes de marrons. Comme la veille à la churasqueria, la patronne apporte alors un plateau de viande qui nourrirait une armée. Et le lendemain, au petit-déjeuner, même profusion. Le ventre plein, nous partons pour la marche. Une petite heure pour atteindre le mirador de Orellan qui offre une vue complète de la vallée et ses pics de terre rouge émergés des bois. L’entrée des mines en revanche est fermée. Les enfants regrettent. Nous rebroussons chemin et pénétrons au pied de la cordillère dans les effondrements: la voûte des cuevas est à 30 mètres, la terre éclairée par le soleil de midi flamboie, l’air embaume. J’essaie de me représenter la ville, la vie, l’extérieur. Impossible. Il semble qu’il n’y ait rien d’autre que ce lieu, Las Médulas, coupé du temps.