Voilà deux ans que je côtoie ce garçon. Je le salue, les autres saluent, lui lève le petit doigt, suit son chemin. Il sourit peu, ne bavarde pas. Antipathique, n’est le mot. Lorsqu’on juge antipathique une personne on fonde ce jugement sur l’expérience: la personne s’est manifestée, elle parle, elle agit, elle donne des raisons qui la font juger antipathique. Or, ce garçon remarque à peine la présence d’autrui. Les personnes ne sont à ses yeux guère plus que des chose. Non qu’il méprise, toise ou fuie, il ignore et cela de la façon la plus naturelle. Je dis dis garçon, mais il va sur ses trente ans. Plus étrange — nous sommes dans un environnement organisé par une hiérarchie — ce garçon ne quitte sa froideur que pour s’adresser au chef. Alors il minaude, sourit, donne des tapes. A quoi peut ressembler son monde?