Remise

Course dans la forêt du Bour­guil­lon puis sur le sen­tier des gorges du Got­téron dont l’une des passerelles à de nou­veau été emportée par un glisse­ment de ter­rain. Je remonte ensuite par les escaliers du funic­u­laire et con­state avec sat­is­fac­tion une amélio­ra­tion de mon temps. Soirée de rou­tine à cuisin­er et boire de la bière, répéter les devoirs d’Ap­lo et vision­ner un doc­u­men­taire. Mais à peine couché, je me sens fiévreux, mon nez se bouche, la tête cogne. Comme on fait dans pareille sit­u­a­tion je cherche où et quand j’ai pu pren­dre froid. La fenêtre de mon bureau était ouverte, je me suis penché pour admir­er la vue, je tran­spi­rais. Cela aurait-il suf­fit? Les heures s’é­coulent, je ne dors pas. A deux heure du matin, j’avale des cachets. La fièvre tombe; je me relève, je prend des notes, je prends une douche, vient le matin et l’heure de se lever. Quand Aplo part pour l’é­cole, je trou­ve enfin le som­meil, et quel som­meil, semé d’hal­lu­ci­na­tions (les médica­ments), de cauchemars, (la fièvre) et de remords (je devrais être en train de pos­er des cadres d’af­fichage, de pass­er des con­trats, d’écrire). A midi, après avoir fait mangé Aplo, je me présente au cours d’ou­ver­ture d’Ed­ward Swider­s­ki sur la philoso­phie de la cul­ture. Salle vide, aucun étu­di­ant dans les couloirs. Je patiente cinq min­utes. Véri­fi­ca­tion faite, il s’ag­it de la bonne salle. Je ren­tre dormir. A dix ‑sept heures, retour à l’u­ni­ver­sité Mis­éri­corde. Séance inau­gur­al du départe­ment de français. Matthieu Cor­pataux, le directeur de la revue L’Êpitre tenait à ce que j’y par­ticipe, un des mes textes ayant été pressen­ti pour la remise d’un prix. Sur place, je trou­ve Bati­lo, mon cama­rade du Kra­va Maga. Pourvu que je ne gagne pas, tel est mon sen­ti­ment. Je m’en étais déjà ouvert a lui au début de l’été. Lais­sons cela aux étu­di­ants. Et puis lire devant le corps pro­fes­so­ral et un parterre d’é­tu­di­ant  m’in­timide. D’ailleurs, plus je vais, moins j’aime lire. Dire, réfléchir à haute voix, don­ner ce qu’il con­vient d’ap­pel­er une con­férence, c’est autre chose: l’ef­fort est en soi un acte de spon­tanéité, mais énon­cer des lignes inscrites sur une feuille, c’est un méti­er de comé­di­en. Passe encore lorsqu’il s’ag­it d’un texte incon­nu, mais don­ner à enten­dre sa pro­pre écri­t­ure, voilà qui n’est guère ras­sur­ant. Nous voici donc instal­lés, Bati­lo et moi, au milieu de l’am­phithéâtre, par­mi une cinquan­taine d’é­tu­di­ants nou­velle­ment inscrits. Pour le moment ils écoutent l’écrivain Jean-François Haas leur dire son amour de la lit­téra­ture. Dans un pre­mier temps, mots con­venus  mar­qués d’anec­dotes poli­tiques sur le poids de la parole écrite (je me demande encore si j’ai bien enten­du, a‑t-il vrai­ment énon­cé, lui, écrivain sen­si­ble et enseignant aver­ti, cette équa­tion grotesque “être intel­lectuel c’est être de gauche”?), puis dis­cours plus per­son­nel sur l’esthé­tique, le beau, l’en­gage­ment et l’ex­er­ci­ce de soi. Il achève sous les applaud­isse­ments, ren­tre dans sa barbe, quitte la tri­bune, reprend sa place. L’un des pro­fesseurs annonce alors la créa­tion d’une mai­son édi­tion au sein de la fac­ulté, les Press­es Libres de Fri­bourg, puis nomme par leurs titres les textes parus en revue durant l’an­née écoulée qui ont été pressen­tis pour un prix. “Dans la caté­gorie prose…”. S’af­fiche à l’écran un nom que je con­nais pas. Soulagé, j’ap­plaud­is. Or, je me four­voie: un deux­ième puis un troisième nom s’af­fichent, et ain­si jusqu’à six. Le pro­fesseur déclare alors que le jury à l’unanimité a dis­tin­gué le texte d’Alexan­dre Friederich …” en rai­son de ses qual­ités formelles, de ses impli­ca­tions sociales…” et je ne sais quoi d’autre. Aus­sitôt me voici lisant face à l’assem­blée Le dra­peau, texte de quelques lignes où il est ques­tion d’un soli­taire qui une fois l’an hisse au cen­tre d’une ville sur la hampe de son jardin un dra­peau inter­dit sur deux con­ti­nents (référence au dra­peau nazi).