Le déni de réalité est le fondement de toutes les religions. Aujourd’hui, il se passe de religion. Il est donc plus répandu que jamais. Il permet d’entretenir cette illusion que le monde est durable. Et j’entends par monde, la société et les relations qu’elle impose, mais aussi l’ensemble des valeurs symboliques que chacun organise afin de se projeter au présent et de vivre heureux. Ce qui explique assez que j’apparaisse comme un homme peu sympathique. Ou plutôt, dur. Je ne conçois pas qu’on privilégie son confort personnel (affectif, sexuel, financier, moral) au détriment de ses considérations d’analyse; que l’on mette sous le boisseau des conclusions évidentes pour n’avoir pas à changer un comportement auquel nous avons profit; que l’on pratique l’autocensure pour n’avoir pas à s’affronter à des obstacles; que l’on refoule consciemment; que l’on imagine qu’un vouloir croire puisse sauvegarder à moyen terme notre qualité de vie. Ou alors — et c’est le programme minimum pour un être moral — il faut avouer que c’est là notre pratique. La psychanalyse avait, dans son commencement, une fonction: éviter la guerre des instances psychologiques. Réduite à des applications thérapeutiques, elle réorganise l’individu, passe au tamis des symboles ses luttes intestines. Or, le déni de réalité est aujourd’hui une maladie collective. Qui de plus entretenue à dessein par une élite dont le cynisme est le trait de caractère dominant. Il est sensé de dire qu’elle et conduit à une guerre des instances collectives.