Peu avant onze heures je suis dans l’entrée du Corktown inn et j’imprime ma carte d’embarquement sous l’œil attentif du couple russe. Au moment de récupérer l’impression — la machine est derrière la vitre blindée — les Russe ont disparus. Je les trouve à bidouiller l’un des nombreux distributeurs automatiques, service payant de savon, dentifrice, chaussettes, cigarettes, café… Puis je me poste sous l’avant-toit et regarde la pluie qui balaie le ciel de Détroit. James ne vient pas. Des noirs en voiture, des latinos, pas mon copain avec qui nous avons convenu ce rendez-vous hier dans la nuit, chez Kevin et Bree. J’écris mon prénom sur un bout de papier, le remet aux Russes et dis que je serai au Onassis Coney Island pour manger un petit déjeuner. Je mange un steak, avale six tasses de café, puis je me poste sur le carrefour de Michigan avenue. Pas de taxi. Plus haut, sur Trumbul avenue, se trouve le dépôt de la compagnie Checker. Bâtiment délabré. Au rez une voiture accidentée. Le reste du garage est vide. Les bureaux sont au premier accessible par un escalier sécurisé. Je sonne, me penche vers l’interphone. Arrive un fourgonnette. Une noire en sort.
- Je cherche à me rendre à l’aéroport.
- Ah! Pas la moindre idée. Vous avez essayé de sonner?
Que veut-elle dire? Que ce n’est pas une compagnie de taxis. A force d’insister, on me répond. Escalier de métal, comptoir de récupération, table de bois sur laquelle sont posés des écrans. Deux gars en bras de chemise gèrent la centrale d’appel sur des téléphones antédiluviens. La noire réapparaît et me désigne.
- C’est bien lui, c’est bien le type que j’ai vu en bas.
Une voix dans une pièce éloignée.
- Amenez-le ici!
Un gars au faciès européen, en bretelles et polo rayé, peut-être un Grec.
- Asseyez-vous, vous voulez vous rendre à l’aéroport?
Il appelle sur un portable, parle à son interlocuteur, me décrit, dit ce que je veux et termine par cette phrase énigamtique:
- Tu veux le faire ou j’envoie quelqu’un d’autre?
En attendant, nous discutons. Nous sommes face à face dans des fauteuils à roulettes. Par la vitre, je vois la gare abandonnée et son building.
- Belle vue sur la gare!
- Et sur le stade.
Je me pecnhe pour voir. Un terrain de baseball quelconque.
- Ah non, c’était le stade des Red Tigers.
Il me revient alors que j’ai lu une plaquette devant le Onassis Coney Island.
- Je comprends maintenant, le dernier match a eut lieu en 1999 puis le stade a été rasé.
- Oui. Et ne me demandez pas pourquoi, j’ai jamais compris. Enfin, désormais on voit la gare.
Au même moment un taxi traverse un des écrans de surveillance. Le portable vibre.
- Voilà, dit le gars, je crois que c’est le signal. Allô? Tu es où?
J’interviens.
- Je l’ai vu, il est en bas.
Le gars se penche par la fenêtre. Il ne voit pas la voiture. Il cherche sur ses écrans, l’air inquiet.
- Il s’est garé juste en bas, vous voulez repasser la bande?
- Non, pas la peine. Allô? Tu m’entends? Voilà, c’est un type avec un maillot vert marqué Détroit, il porte un petit sac à dos. Je te l’envoie. La voiture est marquée 2075. N’en prenez aucune autre. 2075!
Au moment de monter dans la voiture, je suis inquiet et puis je bavarde avec la noire à houppette qui me conduit: c’est un taxi.