Mois : juillet 2014

Madrid

Mon­frère repar­ti avec Léal, nous pas­sons encore quelques jours à ce rythme, piscine, repas au restau­rant, tor­tilla le soir, balade et apéri­tif sur la place de l’hô­tel de Ville où joue une fan­fare les dimanch­es, puis je fais une sur­prise: nous irons à Madrid le surlen­de­main. Mer­cre­di en début d’après-midi nous garons ain­si sous le Corté Inglès de Prince­sa, déposons nos affaires dans la cham­bre de trente mètres du Husa et dînons dans une salle de restau­rant cachée der­rière un bar d’ou­vri­ers, le Lig­al. Serveurs en blanc qui ont dû faire leur appren­tis­sage après-guerre et ont les manières de vieille Espagne. Nous par­tons ensuite par la place d’Es­pagne puis la Gran Via vers le quarti­er du Ras­tro et revenons de nuit par Malasanas. Les enfants ent­hou­si­astes, fascinés par la den­sité des attrac­tions qu’of­fre la grande ville. Je leur mon­tre les endroits où je me prom­e­nais à 12 ans les mer­cre­di après-midi, les ruelles, les bars, les places, les stands de glace. Je leur racon­te aus­si les déplace­ments: cer­tains quartiers autre­fois à l’a­ban­don aujour­d’hui cotés, des bâti­ments sym­bol­es, ceux de la place d’Es­pagne par exem­ple, désor­mais murés.

Foi

Croire à ce qui n’a pas encore eut lieu est plus dif­fi­cile que de croire à un événe­ment passé, d’où la for­mule de per­sua­sion dans la reli­gion chré­ti­enne. Ma foi est de la pre­mière espèce: non seule­ment je crois à ce qui n’a pas eut lieu, mais à ce qui pour­rait n’être pas et dont la nature essen­tielle est donc la foi.

Monfrère

Mon­frère choqué quand je dis que racheter une mai­son ne m’in­téresse pas, que je n’ai rien envie de pos­séder et que, de toute manière, de façon sub­rep­tice, l’État va con­fis­quer la pro­priété.
- Mais enfin, tu ne vas pas con­tin­uer à habiter dans un apparte­ment!
Réac­tion qui est aus­si la mienne: vivre en apparte­ment à tou­jours été dans la famille un aveu d’échec.

Consistance

Être seul durable­ment, être vrai­ment seul, quand cette soli­tude n’est ni chim­ique ni imposée ni une chute aux gouf­fres mais une posi­tion cal­culée et un point de vitesse amène imman­quable­ment à la ques­tion: que fais-je ici et que suis-je?

Mener à bien

Il n’y a que deux caté­gories de per­son­nes qui vont au bout de leurs idées par un effort de méti­er, les philosophes et les crim­inels. Étant enten­du que je ne désigne pas ici les oppor­tunistes qui jon­g­lent avec les con­cepts ou les mal­frats des milieux interlopes.

Jeunes

Un copain albanais, maçon à Fri­bourg,  à qui je dis deux mots sur mon voy­age à Détroit.
- Il y avait des jeunes.
- Pas d’en­fants, non.
- Non, des jeunes.
- Des ado­les­cents?
- Non, des jeunes comme moi.
- Quel âge as-tu?
- 30 ans.
- Oui… pas beau­coup.
Ques­tion per­ti­nente qui ne me serait pas venue à l’e­sprit. Jamais je n’en­vis­age une sit­u­a­tion en ter­mes de pos­si­bil­ités de travail.

Tatlin

Tatlin écrit. “je veux te voir, mais je ne peux rien te dire avant mar­di”. Rien de tel pour exciter l’imag­i­na­tion. Venant d’elle, tout paraît pos­si­ble: elle veut acheter un fusil d’as­saut ou me con­fi­er une affaire amoureuse.

Rata

L’homme de ménage qui net­toie nos bureaux de Lau­sanne m’ex­plique qu’il ne trou­ve plus de man­dats et manque de ressources. Je m’é­tonne: son tra­vail est irréprochable.
- Voyez-vous, les Por­tu­gais con­trô­lent le marché et ils dis­tribuent toutes les places à leurs copains. Un Suisse n’a aucune chance. Il  passe ensuite en revue les autres milieux pro­fes­sion­nels. Même con­stat: les Français et les Gal­li­ciens tien­nent les hôpi­taux, les Serbes le chantiers… Voici les réal­ités du mul­ti­cul­tur­al­isme, cette bouil­lie idéologique con­coc­tée par de jeunes appren­tis en mar­ket­ing sur com­mande des  maîtres de la mondialisation.

Truc

Pour s’en­dormir il faut essay­er de dormir. Pour essay­er de dormir, il faut se met­tre au lit. Pour s’y met­tre il faut se couch­er et pour cela se désha­biller. Pour se désha­biller il faut s’ha­biller. Pour s’ha­biller, il faut se lever. Pour dormir, il faut se lever.

Léautaud

“Savoir écrire bien, en écrivant mal, c’est à dire sans recherche. Cela à l’air d’une plaisan­terie.” Paul Léau­taud, Jour­nal, 1904.