Ecole-usine

Reçus par les directeurs de l’é­cole de Jolimont où nous envis­ageons d’in­scrire Aplo pour l’an­née à venir. Après l’inévitable exposé sur l’or­gan­i­sa­tion des fil­ières servie par l’habituel jar­don des péd­a­gogues, Olo­foso for­mule la demande sur laque­lle nous sommes tombés d’ac­cord: un redou­ble­ment de classe en vue d’une entrée ultérieure au gym­nase.
- Voyez-vous, c’est impos­si­ble, il est déjà trop tard.
- Je ne com­prends pas.
- Il y a toutes sortes de pos­si­bil­ités pour Aplo, quel est son pro­jet?
- Pour­suiv­re ses études.
- Eh bien, ce n’est pas un prob­lème, il peut entre dans une école de cul­ture générale…
- …qui ne vaut rien. Franche­ment, c’est non!
- Pas du tout, vous vous méprenez. Après trois ans d’é­tudes, à con­di­tion d’obtenir la moyenne, il pour­ra devenir ambu­lanci­er, socio-édu­ca­teur.. et même radi­esthé­siste.
- Messieurs, je vous coupe: si on ne reve­nait à notre demande. Je vais être clair: il est exclu que cet enn­fant aille tra­vailler. Il n’a pas quinze ans. D’ailleurs, est-ce seule­ment légal?
- Mais par­faite­ment, il fera ses quinze ans cet été n’est-ce pas? Il suf­fit qu’il trou­ve un con­trat…
- Voyez-vous, à son âge j’é­tu­di­ais à Lau­sanne et les pro­fesseurs ont expliqué la même chose à mon père. Votre fils, lui ont-ils dit, est fait pour l’hor­ti­cul­ture. Je ne m’en veux pas d’avoir choisi une autre voie? Et puis, vous le voyez bien tra­vailler, mais ce n’est pas ce que vous avez fait n’est-ce pas?
- Non, non, mais…
- Donc, pour les études…
- Sa moyenne est trop haute pour que nous l’au­tori­sions à redou­bler… et trop basse pour qu’il puisse entre­pren­dre des études.
- D’autre raison­nement aber­rants?
- Nous com­prenons votre frus­tra­tion, mais vous savez, le tra­vail, c’est très bien.
- J’ai cinquante ans, mes amis qui ont com­mencé de tra­vailler à l’âge de quinze ans sont tou­jours à leur poste à l’heure où je vous par­le et cer­tains dans la même usine, alors s’il-vous-plaît!
- Vous com­prenez ici, nous avons plutôt un tis­su de PME… Ou alors, il y a évide­ment l’op­tion de l’é­cole privée.
- Je paie des impôts.
- Vous pou­vez tou­jours faire appel à l’in­specteur des écoles. Mais croyez-moi, le mieux serait qu’il reste à Genève…