Dazaï Osamu

La déchéance d’un homme de Dazaï Osamu est un livre éton­nant. A bien des égards une auto­bi­ogra­phie de mes jeunes années. Soir Nuit Noir que j’ai écrit il y a dix ans traite pour par­tie des mêmes thèmes. En par­ti­c­uli­er de ce tra­vail de dessin qui vaut psy­ch­analyse. Osamu en par­le comme de “dessins de spec­tres”. Son alter ego, élève d’une école de pré­fec­ture, joue pour la galerie un per­son­nage de bouf­fon, ce qui lui paraît le meilleur moyen de s’in­té­gr­er à une société qu’il ne com­prend pas et qui l’ef­fraie. En cours de dessin, il s’ap­plique pour fab­ri­quer des images réal­istes, mais le soir, dans sa cham­bre, il cou­vre des dizaines de feuilles de fig­ures de spec­tres tirées de son fonds mal­adif. J’ai moi-même quelque mille “dessins de spec­tres”. Les sym­bol­es qui les com­posent sont con­stants: cru­ci­fix, cer­cueils, crânes, voitures, maisons, tertres, routes, marteaux, couteaux. Osamu racon­te que son per­son­nage pra­tique ce type d’écri­t­ure du monde autour des quinze ans. Pour moi, cela a duré de dix-sept ans à vingt-cinq ans, mais aujour­d’hui, si je prends du papi­er, les mêmes sym­bol­es ressur­gis­sent sous mes doigts. Ils ont heureuse­ment per­du leur car­ac­tère com­pul­sif. Autre­fois ils frap­paient au portes comme des spec­tres et exigeaient d’être représen­tés (cela pou­vait pren­dre plusieurs heures par jour). D’autre par­al­lèles m’ont aba­sour­dis: le regard porté sur les femmes. Cette façon de se punir en choi­sis­sant pour com­pagne des femmes laides ou pire, mis­éreuses. Et l’idée que le monde est à la fois com­pris et incom­préhen­si­ble. Que tout un cha­cun sem­ble avoir pour seul motif de se moquer de la vie. Ou encore cette inca­pac­ité  à adhér­er à ce qu’on fait et sa con­séquence: un com­porte­ment inhumain.