Mois : mai 2014

Feux de la rampe

Celui qui écrit sans peine bien­tôt ne se donne plus la peine d’écrire. Affir­mant cela je pense à un auteur dont le pre­mier livre m’a fasciné. J’al­lais partout et van­tais ses mérites, je ne man­quais pas une occa­sion d’en­gager à sa lec­ture. A Paris je con­nus l’au­teur. Sa per­son­nal­ité me déçut agréable­ment. C’é­tait un homme joyeux, sans enver­gure ni morale, loin de toute recherche, dés­in­volte, oppor­tuniste. C’est lorsqu’on entrevoit ce qu’on veut sans le pou­voir que les éner­gies afflu­ent. Alors sont réu­nies les con­di­tions pour faire l’œuvre. Celui qui écrit, peint ou com­pose sans peine et avec l’air de se jouer est loin de cette fois du créa­teur. Je ne pou­vais me douter de quoi que ce soit avant que ne parais­sent de cet auteur de nou­veaux titres. Or, ce que j’avais réus­sit à son con­tact se véri­fia: à grands ren­forts de sourire, ils se pous­sait sous les feux de la rampe.

Ne rien faire

Les rares fois où je réus­sis à ne rien faire, je me félicite.

Bidules

Van­ité poussée jusqu’à l’hys­térie par l’emploi des nou­velles tech­nolo­gies ancil­laires et qui accroit la soli­tude augu­rant hélas d’une fatale reprise en mains.

Trémulation

Chanteurs de var­iété, bateleurs, comé­di­ens, romanciers, pein­tres sans réelle foi dans l’art, ils ‘agi­tent sur quelques mètres et ce faisant com­mu­niquent locale­ment au groupe social une tré­mu­la­tion qui lui per­met de percevoir de manière fugace comme se perçoivent les pois­sons par reflets lorsqu’un rai de lumière tra­verse l’aquarium.

Manwell 2

Sur cette façon heureuse de remar­quer la nature et de la don­ner à voir aux autres en rehaus­sant ses qual­ités, ce que fai­sait hier, je l’ai dit, Man­well alors que nous cou­ri­ons sur les crêts de la Sarine, je puis dire que je n’ai pas ce tal­ent. Quand je cours, lutte, me débats, je ne con­tem­ple pas. Et quand bien même je ver­rais ce ciel, sa lumière, son cortège de nuages, c’est sans vision; pour cela, il faut que je m’at­tarde, arraisonne le temps, perce les couch­es. Ain­si je vois jusque dans les grandes pro­fondeurs. Plus pos­si­ble alors de s’ex­clamer:
- Regardez, c’est joli!

Caravane

Je vais con­stru­ire une car­a­vane, ou plutôt, un cabane qui se puisse déplac­er sans néces­sité de démon­tage. L’in­té­gra­tion des par­ties dans le tout, la con­ve­nance esthé­tique, qui de plus est dans un milieu con­traint. m’a tou­jours fascinée. Retour peut-être à l’or­gan­i­sa­tion de la pre­mière cham­bre, lieu d’in­cu­ba­tion des éner­gies vitales pour l’adolescent.

Manwell

Hier avec Man­wel et deux goss­es de bel allure, gravis­sant d’un pas accéléré le chemin de Lorette, alig­nant des exer­ci­ces sur le parvis de la Chapelle puis zigza­guant sur les sen­tiers de la forêt du Bour­guil­lon en batail­lant à coups de pieds et de poings, équipée qui lais­sait inter­dits les rares ran­don­neurs venus se balad­er en cette soirée de veille de fête. Or, ne voici pas qu’après ces débauch­es, Man­well, comme nous regagnions la basse-ville, ralen­tit le rythme et s’ex­tasie sur la beauté du couch­er de soleil, la forme des nuages, l’é­clairage rougeoy­ant des édi­fices mod­ernes qui se détachent au loin et lâche ce com­men­taire:
- Quand je pense qu’on a man­qué rester à l’intérieur!

Pommes

Il ramas­sait des pommes, les dis­tribuait sur un lit de car­ton dans l’om­bre fraîche de la cave et, dès cet instant, red­outait la venue de l’hiv­er qui de l’in­térieur agis­sait sur les fruits pour les dimin­uer et les noircir.

Innocence

Véri­ta­ble cadeau qu’une nuit d’un seul ten­ant qui tôt com­mencée empiète sur le jour. Une relâche dans le rythme con­stru­it de l’ex­is­tence. L’in­tro­duc­tion d’un ailleurs qui per­met, parce qu’elle rend à une pro­vi­soire inno­cence, de renouer avec la matière de la vie.

Envers-avers

Pourquoi tous ces efforts?
Oui, c’est enten­du: pourquoi?
Mais à ceux qui posent la ques­tion:
Pour quoi cette absence d’efforts?