Jésus de Paris, que je rencontrais il y a quelques années dans un appartement du faubourg Poissonnière, était maître-expert en dynamite. Artificier à la solde des compagnies de cinéma il voyageait d’un plateau à l’autre en métro avec ses pains et ses systèmes de mise à feu, piégeait les décors et selon les jours faisait voler en éclats une maison, une rue ou une voiture. Son fils jouait de la batterie dans une petite pièce attenante à la cuisine tandis que nous dînions adossés à un poêle d’une tonne dont il ne cessait de vanter les mérites. Sa femme, tendre, maternelle, pythonienne, avait autant de bras que la déesse hindoue: elle jouait la comédie, mitonnait des plats, élevait les enfants, était rieuse et allègre. Puis un après-midi, comme je débarquais gare de Lyon, je la trouve hagarde, étrangement silencieuse. Elle n’a pas dormi de trois jours me siffle une amie qui la surveille de crainte qu’elle ne s’effondre. Nous mangeons cependant et dans le fond de la brasserie où nous sommes installés défilent trois, quatre, cinq enfants, de différents maris et de différents âges, les plus grands déjà musiciens, acteurs de série télévision, les petits, la bavette autour du cou, tous venus rassurer leur maman. L’année suivante, j’apprends comme il se doit que le mari a pris la poudre d’escampette et que l’excellente femme a filé vers le sud où, pleine de vigueur et de soleil, elle va épouser un homme dont elle attend des enfants.