Départ du vol pour l’Espagne à six heures. Brume et pluie sur Alicante. A peine six degrés. Nous tournons sur les giratoires à bord d’une Hyundai de location, prenons un café dans la banlieue, puis roulons en direction d’Albacete. En milieu de matinée, arrêt dans une station service flanquée d’un restaurant. Celui-ci est logé dans une masure qui transpire l’humidité. Autour, des terrains vagues et des usines désaffectées. Une gitane au service. Pas de bière pression. Frère revient des toilettes.
- Il n’y a pas d’eau.
Après avoir pris la commande, la gitane disparait dans une arrière-boutique qui a des airs de grotte. Je me penche: un âtre de mauvaise briques, des balais usés. Le plafond: il est en pente. La machine à cigarettes: éventrée. Et ainsi de suite: les tables ont des pieds rafistolés au ruban adhésif, les enseignes publicitaires ont perdu leur lettres. La gitane pose deux sandwich à l’omelette sur le comptoir et décapsule des bouteilles de Coca tirées d’un seau. Un client entre.
- Un café!
La gitane s’excuse et désigne un machine à café crasseuse branchée sur une rallonge électrique. Le client commande un jus d’orange. Surgit la patron. Il a les cheveux si gras qu’on les croirait enduits de beurre. Il apporte des oranges découpées sur un plateau, branche un presse-agrumes, recueille le jus dans un pot. La gitane, les bras croisées sur la poitrine (il fait froid), nous observe avec un mélange d’envie et d’inquiétude. Elle encaisse un prix trop élevé. Lorsque nous regagnons le parking sous la pluie, il nous vient à l’idée que le bâtiment était abandonnée et que le couple a récupéré dans les poubelles de quoi créer ce bar.