Samedi

Same­di — je relève de soirée. Les enfants n’ont qu’un souhait, se tenir dans le préau der­rière l’im­meu­ble, y jouer. Le repas fini et court comme  sera le week-end — ils repar­tent pour Genève dimanche après-midi — nous par­tons tout de même en prom­e­nade. Cen­tre-ville, escaliers, bor­ds de la Sarine puis la route de la pis­ci­cul­ture dans les gorges du Got­téron. Luv et moi allons devant et par­lons, Lucian et Aplo der­rière, cri­ant, sautant, escal­adant. Il y a vingt ans, à l’oc­ca­sion d’une réu­nion de tra­vail, ma mère nous avait emmené sur le même chemin et sachant que nous habi­tions alors mon frère et moi à Genève, je me demande aujour­d’hui pourquoi elle avait choisi cet endroit reculé. Depuis, j’ai emprun­té trois fois la route, puis le sen­tier de forêt et son sys­tème de passerelles et de ponts. Cette-fois, j’an­nonce aux enfants que nous irons jusqu’au bout. A ma grande sur­prise, après une heure et demie de sen­tier nous sommes encore dans les gorges. Quand nous débou­chons à la hau­teur de Tafers, voici une ferme sur la riv­ière avec son enc­los à vache et son pad­dock, lieu qui ne ressem­ble aucune­ment à celui dont je gar­dais l’im­age. Autre motif d’é­ton­nement, la nature labyrinthique de cette prom­e­nade: le chemin grimpe sur les buttes, dévale, s’ou­vre sur des précipices, s’éloigne et se rap­proche du Got­téron. Ici et là, des pique-niqueurs allu­ment des feux à l’abri d’une végé­ta­tion humide et sauvage. Luv remar­que que nous avons fait une marche sim­i­laire dans le Col­orado. Enfin, lorsque nous rebrous­sons chemin sur­git l’inévitable ques­tion du temps de retour. Je tem­po­rise, promet une glace puis m’aperçois un peu tard que mon frère m’a con­fié Lucian en pré­cisant que blessé à la jambe il ne devait pas marcher.