La journaliste de radio-France, fille jeune et fluette qui parle le nez en l’air, m’attend dans les galeries marchandes de l’aéroport de Cointrin. Elle branche son Nagra et m’explique le principe de l’émission. Hier elle était au Père-Lachaise avec un ornithologue, demain elle emmène sa grand-mère dans une salle de jeux électroniques. Elle enregistre en situation. Nous voici donc à l’étage des départs, assis dans de mauvaises chaises de plastique moulé, entre une musulmane couverte et un Grec pansu. Je demande si l’enregistrement a débuté.
- Oui, bien sûr.
Or, elle n’a fait aucun signe et semble distraite. D’ailleurs, lorsqu’elle parle, elle regarde à travers la baie vitrée. A quelques mètres, les voyageurs s’agitent devant les guichets easyJet, forcent leurs valises dans les gabarits, vident leurs bouteilles d’eau. La journaliste me désigne une poche sur le devant de la sacoche du Nagra. J’y plonge la main et en retire un morceau de papier sur lequel est noté une question.
- Dois-je la lire?
- Comme vous voulez.
Je réponds. Longuement. Puis tire une autre question. Et une troisième. Lorsque le morceau de papier comporte une chose à faire, “placer vous devant le tableau des départs et commenter les destinations”, “engagez la conversation avec votre voisin”, elle dit:
- …laissez, ça ira.
Je pioche alors une autre question et y réponds abondamment. Un heure passe; combien la sacoche contient-elle de questions? Je me penche et demande inquiet:
- Je continue.
- Oh, non, c’est bien comme ça! Jamais je n’aurais pensé que vous parleriez autant.
La voici que se lève et se dirige vers l’escalator.