Hodler

En ligne hier je mis­ais sur une lith­o­gra­phie signée Hodler: sur fond de mon­tagne, une femme en fichu dans une cam­pagne abstraite. Le vis­age est anguleux, tra­vail­lé, à la fois recueil­li et souf­frant. J’an­nonce un prix, tient la posi­tion un moment, la perd, offre un nou­veau prix, récupère la posi­tion, suis à nou­veau dépassé. Chaque fois qu’un prix supérieur est annon­cé, un compte à rebours de deux min­utes s’en­clenche durant lequel devra être placée la con­tre-enchère, et comme il se doit, à mesure que l’of­fre aug­mente, cha­cun revient à la lith­o­gra­phie, la regarde, l’ap­pré­cie. La nature figée des per­son­nages de Hodler, syn­onyme de soli­tude, médi­ta­tion ou angoisse, pro­duit chez l’a­ma­teur un sen­ti­ment de ver­tige et c’est dans l’idée que je pour­rai au bon vouloir revenir à ce per­son­nage une fois que j’au­rai accroché la lith­o­gra­phie dans mon bureau que je pousse la mise, mais, para­doxale­ment, à force d’a­jouter du regard au regard par tranch­es de deux min­utes, l’idée tombe: ayant con­sid­éré avec une telle atten­tion la femme en fichu, je sens je l’ai intéri­or­isée et que la pos­ses­sion de la lith­o­gra­phie n’ap­portera rien de plus. Je lâche l’enchère, l’autre client l’emporte.