Il y a quelques temps je me suis demandé qui étaient les personnes croisées par hasard au cours des quarante dernières années dont j’aurais aimé connaître le destin. Cette jeune femme aux dents cassées, affalée sous un échafaudage dans les quartiers Nord de Londres, en 1980, désarticulée par la misère, la drogue et l’alcool. Cette adolescente lumineuse et enjouée, rencontrée sur un stand d’exposition de genève où je vendais des disques de rock dans les années 1990 et qui répandait autour d’elle une joie rare. Peu après, elle m’écrit de Thessalonique, me parle d’expérience hallucinogènes, de voyages dans la région des Météores, puis plus rien. Je l’ai cherchée à son adresse suisse, en vain. Sabine, cette Américaine avec qui Olofso et moi avons passé deux jours près de Kaysiri, en Capadoce. Sa beauté simple avait un effet ravageur, le timbre de sa voix était sans pareil. Cet homme en costume et cravate, vraisemblablement descendu d’un bureau pour s’asseoir devant la Victoria station de Londres, tenant à la main la bouteille de Whisky qu’il venait de siffler et qui à la façon d’un reptile tirait la langue en direction de la foule. Ce Castillan de Valdepenas que je rejoignais tous les après-midi à l’heure où la ville dort pour me rendre sur la colline aux moulins et qui me racontait qu’écrire des poèmes dans un tel désert n’avait pas d’avenir et que sa famille le poussait au départ.