L’automne dernier, je lisais Larsen de Jean-jacques Bonvin, récit d’un séjour chez des amis vivant d’expédients, de drogue et d’idées quelque part en Californie. Texte dur, à la syntaxe serrée, comme il est coutume chez Bonvin, et qui m’a laissé un goût amer, ou plutôt, inquiet. Or cette nuit, toute la vérité de cet univers m’est apparue dans un rêve où, par delà l’oeuvre littéraire, m’était révélée la justesse profonde de cette entreprise de vie communautaire. D’ailleurs, je voyais le livre, et je voyais la communauté, et ils formaient à eux deux une sorte de matrice, un habitacle souple, à chaleur constante, où circulaient les personnages et le esprits, le tout s’offrant comme un remède évident à la civilisation mécanique et proche de l’abattoir qu’organisent les sectateurs de l’argent. Et je crois comprendre que si telle perception, en quelque sorte explicative, a pu avoir lieu, c’est qu’avant de me coucher, j’ai regardé ce film exceptionnel de l’Australien Ray Lawrence, Jindabyne, qui montre de la façon la plus réaliste qu’il se peut la vie d’une communauté de quelques individus dans la Nouvelle Galle du Sud, aux environs des années 1990. De même que les ambiances des films de Cassavestes, par leur intimité et la proximité qu’ils établissent entre le spectateur et les personnages de la fiction, permettent de retrouver les traces de ce paradis perdu que devait être la société partagée ou, pour le nommer ainsi, de la société de amis, Jindabyen suscite chez le spectateur une empathie qui vaut compréhension du monde. C’est probablement cette alchimie qui m’a permis de réinterprété de façon positive Larsen que je n’avais d’abord perçu que d’un point de vue extérieur.