Tout-à-l’heure, condamné à prendre quelque repos suite au coup reçu au Krav maga et cherchant un effort de rechange, je m’imaginais sur un vélo statique, pédalant à côté de mon frère, avec qui j’avais une conversation extraordinaire. Je me demandais alors s’il était souhaitable que les autres clients du club l’entendissent. Mais oui, certainement! N’est-elle pas extraordinaire? Ce qui aussitôt heurtait mon goût de la discrétion. Ou peut-être s’agissait-il, par anticipation, d’éviter tout problème éventuel lié à la présence de mouchards. Puis je revenais sur le caractère extraordinaire de la discussion. En garder pour soi les bénéfices était une forme de vanité. Ce n’est pas ce que je visais. Fut-ce au prix d’un certain orgueil, je désirais que chaque client du club, après avoir entendu nos propos, se représente le mensonge que constitue ce deuxième monde, ce monde d’après la mort que font miroiter la religion ou encore la philosophie et admette qu’en devisant comme nous le faisions mon frère et moi, il était possible de faire advenir l’extraordinaire dans ce monde, le nôtre, en recombinant ses éléments. Au lieu de quoi, j’irai tout-à-l’heure au club m’installer seul sur un vélo et planterai dans mes oreilles des écouteurs pour suivre sur internet une conférence de Bernard Stiegler.