The Cockney Rejects

The Cock­ney Rejects, groupe oï! dont j’é­coutais les albums l’an­née de mes dix-sept ans est en con­cert à The Fleece, une salle de pub dans une ruelle de l’an­cien quarti­er des docks. Curieux de savoir ce qu’a pu devenir, trente ans après la paru­tion de ses pre­miers titres, la fin du punk et l’oc­cul­ta­tion des skin­heads, l’im­mi­gra­tion mas­sive et le con­sumérisme mal­adif, des musi­ciens réu­nis par la seule foi dans une sol­i­dar­ité ouvrière érigée en valeur de com­bat.
La salle est pleine, le pub­lic celui des années qua­tre-vingt, vieil­li dans ses habits: doc’s, crâne tatoués, jeans blan­chis, blousons mil­i­taires. Plus calme, moins agres­sif, tout aus­si cor­pu­lent, pat­i­bu­laire, con­va­in­cu, intè­gre. Cer­tains sont accom­pa­g­nés de leur femme. Aucune nos­tal­gie. Lorsque Jeff Turn­er chante The Great­est Cock­ney Rip-Off, le pub­lic reprend : oï! oï! oï! Le mes­sage est inchangé, les coups de poing que le leader du groupe décochent dans le vide résu­ment le cre­do: bats-toi! De fait, le sort réservés aux ouvri­ers sous le gou­verne­ment Tatch­er n’a pas con­nu d’amélio­ra­tion notable au cours des trente dernières années. Un quo­ti­di­en terne et cer­clé : tra­vail, foot­ball, bière. Quant au jeune arabe que Jeff Turn­er appelle sur scène, le présen­tant comme un col­lègue de tra­vail, dif­fi­cile de dire s’il s’ag­it d’une manœu­vre visant à désamorcer toute ten­ta­tive d’i­den­ti­fi­ca­tion avec la droite nation­al­iste ou un effet indi­rect, mal digéré de la mon­di­al­i­sa­tion. Quoiqu’il en soit, au pub, le con­cert fini, nous buvons au milieu de skin­heads dont les vestes bla­son­nées affichent assez les idées. Quant à savoir si ces idées leur sont prof­ita­bles ou s’il en font quelque chose, il suf­fit de se promen­er dans les rues de Bris­tol le jour pour véri­fi­er une fois une fois de plus, que n’ayant accès ni à la cul­ture ni à l’ar­gent, ils sont les éter­nels per­dants la société britannique.