Marché

Au marché, où Gala m’en­voie chercher de la salade, j’ai le mal­heur de tomber sur Tarbe. Mai­gre, quelque peu aérien, mais on pour­rait aus­si dire, un manche à bal­ai dans le cul, il avance à la même hau­teur que sa femme, en silence, tan­dis que de part et d’autre, ses deux enfants jouent. Et je ne peux m’empêcher de songer à la frus­tra­tion ren­trée qui lui tient lieu de per­son­nal­ité et qui n’est que la rançon d’une con­fu­sion, faite dès l’ado­les­cence, entre l’am­bi­tion et la pré­ten­tion. Sans doute croyons-nous tous, à cet âge naïf, être por­teur d’une énergie sans pareil, ce qui nous fait annon­cer dans l’en­tourage, avec out­re­cuid­ance, des réal­i­sa­tions prochaines et entre toutes estimables. Et puis le temps amende les espoirs, cor­rige la donne, situe les capac­ités. Sauf à être dans l’échec patent — et ce n’est aucune­ment le cas de Tarbe — il me sem­ble alors médiocre et même réd­hibitoire de cacher ces échecs, somme toute naturels, der­rière des idéolo­gies, ici le com­mu­nisme (je m’en voudrais de me dis­tinguer du com­mun), qui per­me­t­tent en toute mau­vaise foi, de les présen­ter comme des choix étudiés.