A Neuchâtel, à la fois ravi de découvrir coup sur coup trois libraires d’ancien et déçu lorsque je comprends qu’à l’heure où je quitterai le bureau de fiduciaire ils seront fermés pour la pause de midi. Or, après mon rendez-vous, l’une des ces boutiques, à en juger par la lumière qui sourd de l’intérieur, est ouverte. La pancarte le confirme: l’horaire du matin s’achève à 12h30. Je pousse la porte, salue, consulte ma montre, constate qu’il est 12h39 et mes espoirs à nouveau s’envolent; mais le libraire me rassure, je dispose de mon temps.
Les étagères encombrées offrent des volumes sur deux rangées, de sorte qu’il faut retirer les livres placés à l’avant pour lire les tranches de ceux qui sont placés à l’arrière. Plusieurs livres me retiennent, des Interviews imaginaires de Gide, dont je n’arrive pas à déterminer s’ils sont de la plume de l’auteur des Paludes et un Masse et puissance de Canetti dont je lis le début du chapitre sur le devenir des religions d’Etat, mais dans un cas comme dans l’autre, ces livres qui appartiennent à des collections rares sont chers. J’hésite tout de même à les acquérir, ne serait-ce que pour éviter que cette librairie, faute de clients, ne ferme (comme il vient d’advenir à celle de Fribourg), puis annonce sans hypocrisie que je compte revenir bientôt tout en m’informant de l’horaire complet.
- Oh, ne vous inquiétez pas, je ne ferme jamais! Vous voyez ces enveloppes? En mon absence, il vous suffira d’y glisser l’argent.