Je ne sais plus l’heure. D’ailleurs je ne trouve pas mes montres. Toutes se ressemblent. Ce sont des Casio. Elles sont noires. Il fait nuit. Je cherche l’interrupteur. Pas d’électricité. J’oubliais, c’est le nouvel appartement. Je vais manquer le cours de Krav Maga. Enfin je me réveille. Je suis assis sur une couverture, la tête lourde, le corps entouré de nourriture: tranches de jambon, fromages, pains, carottes. Surtout des fromages. Des écoliers, suisse-allemands et désargentés, attendaient mon signal pour se précipiter sur le pique-nique. Ils mangent, puis se reposent. Ensemble nous regardons une vidéo. Elle porte le sceau de l’Etat. Celui-ci met en garde les jeunes: ne communiquez jamais les codes d’accès de vos cartes de crédit à un inconnu, donnez-les à l’Etat, il vous protégera. Ce qu’ils font aussitôt. Leur naïveté me laisse perplexe. Ainsi vont les choses: les imbéciles obtempèrent aux ordres les plus absurdes. J’ajoute à part moi: c’est fou ce que peut une modeste séquence de dessin animé! Quand bien même on parlerait à ces jeunes de mécanique des fluides ou de statistiques, ils regarderaient sans perdre une miette du discours tant les fascine le dessin animé! Un peu dégoûté, je les abandonne et me rend dans une librairie d’ancien. J’entre. Un homme est assis dans la boutique. Je me penche sur un rayonnage à mi-hauteur, lis la tranche des livres. Kerouac. Bien. Kerouac. Encore? Et ceci? Manuel… Je me penche. Mais une petite lampe s’allume, m’éblouit, m’empêche de lire. Je protège mes yeux. Manuel d’érotisme ésotérique. Ah! Je m’empare du livre couvert de poussière, mais ne peut l’amener jusqu’à moi: la toile d’araignée qui l’enserre le retient. Je tire, la toile remue et me le reprend des mains. Et le Manuel retrouve sa place, sur le rayonnage.