Il y a quinze jours, je fais mon sac et me rend au cours de Krav Maga. L’adresse qui m’a été indiquée correspond au bord du plateau de l’Alt. Une dizaine de bâtiments scolaires sont regroupés là. C’est le soir, les couloirs et salles de classe sont éclairés de l’intérieur. Je pousse la première porte que je rencontre, ne doutant pas de trouver la salle d’entraînement. Elle est en face de la salle de lecture de l’Université, m’a dit la veille un habitué du club. Je croise des gamines, des gamins, j’actionne des poignées, déchiffre des numéros, descends un étage, un second étage, remonte et me retrouve à l’air libre. Je me tourne vers la bibliothèque: pourtant je suis bien en face de la salle de lecture.
Une deuxième tentative m’amène à parcourir l’un après l’autre tous les couloirs du bâtiment. En vain. Me voici au point de départ, sur le plateau de l’Alt. Je pénètre dans le bâtiment voisin, hèle une enseignante qui file un classeur sous le bras. Elle me fait répéter; Krav, comment ?
- Vous dîtes, une sorte de sport? Avec ballon? Oh, du combat! Comme le judo? Cela ne me dit rien, mais venez seulement!
Elle passe devant moi. Je la suis, nous marchons, nous empruntons un escalier, elle ouvre une porte, allume une salle, frappe contre une loge, s’excuse: elle espérait trouver là un concierge, mais, n’est-ce pas, il a dû rentrer chez lui?
L’heure tourne. J’ai pris une demi-heure d’avance. Celle-ci sera bientôt épuisée. La dame est pleine de bonne volonté.
- Vous pouvez me répéter ce que vous cherchez…?
Elle me dirige alors sur les gymnases. Il s’agit de contourner les bâtiments que nous avons visités et de dévaler la rue de Morat pour remonter à flanc de colline. Je file, trop heureux de me débarrasser d’elle. Au bout de quelques minutes, je fais irruption sur un terrain de basket. L’arbitre fait preuve de sollicitude. Lui aussi essaie de comprendre ce que je cherche. Je ressors. J’aperçois un noir encapuchonné, le hèle. Il ne parle pas français. Quatre à quatre, je monte les marches de l’escalier qui mène aux remparts, dans le quartier de l’Alt, et me voici devant la porte d’où je suis parti vingt minutes plus tôt. La bibliothèque est toujours là, avec sa salle de lecture éclairée qui donne sur la rue Joseph-Piller, et en face, le bâtiment scolaire est celui que j’ai exploré avec conviction au début de ma recherche. Mon jeans est moite, mon T‑shirt mouillé, le cours vient de commencer. Je souffle sur un banc. Soudain la dame sort à reculons du bâtiment, tourne la clef dans la serrure.
- Alors, vous avez trouvé votre leçon de judo?
- Oui, merci.
- Tant mieux, tant mieux… Bonne soirée!