A la cantine de l’université Miséricorde, un jeune étudiant en économie juge en quelques mots, sur un ton comique et péremptoire, le marasme des Français. J’ai entendu, je ris. Il met sa main sur la bouche, me regarde gêné. Je n’aurai pu mieux dire. Ou plutôt, j’ai perdu la faculté de dire sur ce ton, d’associer spontanément des phrases qui, sans être fausses, débordent la pensée. Ce qu’il convient d’appeler la faconde est d’ailleurs un trait de caractère de la bêtise ou de la présomption chez l’adulte formé au dialogue : cet étudiant n’est que primesautier. Or, quelques heures plus tard, à l’entraînement de boxe, l’occasion m’est donnée de voir la portée d’un telle attitude. Ouvriers, adolescents, policiers, et voyous qui intègrent le groupe, sont aussi coriaces que réservés. Depuis peu, s’y ajoute un personnage amateur de bons mots, jamais en défaut de répartie. Aussitôt, il a ses amis. Et qu’il se fatigue plus vite que les autres boxeurs, reprenne son souffle à l’écart, évite certains exercices, il est excusé. Je dirais même que personne ne le voit: sa faconde lui sert de viatique.