Quand la pluie s’arrête, c’est pire — les hommes sortent de sous la terre.
Mois : août 2013
Content
Content d’avoir de l’argent mais écœuré. Que puisse s’effondrer le petit château confortablement matériel que j’ai érigé de mes mains depuis vingt ans, me procure un malin plaisir. J’en attend plus de liberté et sais qu’il n’en sera rien. D’ailleurs cela pourrait donner le départ d’une catastrophe générale. Quoiqu’il advienne, dans la société que nous avons, jamais je n’irai travailler au quotidien. Je le sais comme je le savais à l’âge de quinze ans. Certains préjugés orientent notre vie. Ce qui prouve que je ne suis pas tiré d’affaire. Romantique, excessif et raisonné, irréaliste, mal adapté, et convaincu d’assister, pour ce qui fait l’activité des hommes au jour le jour, à une comédie. Là n’est pas le sérieux. Et donc, je le cherche. Mais avec moins de force et surtout, moins d’espoir. Réapparaît alors le projet de la cabane. La cabane est un jeu pour l’enfant, un lieu pour l’adulte. Et un point de vue double: extérieur, intérieur.
Enfant
Enfant, lorsque j’avais soif, je ne buvais pas, j’attendais. Quel était le sens de la manœuvre? Je l’ignore. Une sorte d’expérience, ou de curiosité. Dans les situations typiques : nous marchons en famille, la réserve d’eau est épuisée, au bout d’une heure nous trouvons une fontaine.
- Alexandre, tu ne bois pas? Tu sais que nous avons encore du chemin à faire? Comme tu voudras!
Histoires
Raconter des histoires de viol, de poursuite, de meurtre, de meurtres en série; y a‑t-il posture littéraire plus imbécile? Comme dans un atelier de sculpture, sur injonction d’un simplet, se détournant du modèle, tous les élèves se mettraient à sculpter le lavabo dans lequel ils se lavent chaque jour les mains. Et si ce travers qui consiste à manipuler un monde factice et infantilisé partagé entre bons et méchants était l’équivalent littéraire des bandes de couleurs que les peintres déposent au rouleau sur les toiles? Quand on songe aux processus de maturation de l’oeuvre, passionnant, révolutionnaire, d’un Malévitch ou d’une Mondrian…
Notre régime
Dans notre régime politique — que je ne sais plus nommer et qui n’est pas une démocratie — la liberté est façonnée par la discipline extérieure. La masse, qui règne par procuration, transforme chaque individu en un pendule (plus ou moins réglé). La discipline intérieure, seule à même de faire advenir un homme, est empêchée dans les faits. Le silence, le travail de la pensée, le regard long, le temps long, l’ascèse, la solitude, la prière, hors encadrement communautaire (qui, sans la référence à Dieu, ne serait qu’un duplicatum de la situation première) et sans recours limite à la vie sauvage, sont presque impossibles. Au fond, pas de rencontre entre l’individu et l’homme lorsque les individus ont la main occupée à parfaire mécaniquement un être collectif.