Au Literarisches Colloquium de Wannsee, château de poche tout en pinacles et moulures qui donne sur un parc vert. En contrebas, un banc de pierre en demi-cercle où l’on imagine déclamer. De là, visible à quelque distance au-dessus de l’eau, l’embarcadère qui amène les Berlinois venus en S‑bahn du centre de la ville vers la grande plage. Nous apportons le brasero, les enfants soufflent sur les saucisses et s’aspergent au jet, nous buvons de la Beck’s et de la Budvar. Un Praguoise, chercheur universitaire spécialisée dans l’intertextualité et son fils, grand gaillard de vingt ans, qui parle de Facebook et boit un Redbull, puis un couple autrichien qui fabrique des livres pour enfants; elle, visage ovale, en chignon, d’une beauté très fin XIX ème raconte son mois de jeune fille au pair vécu il y a une dizaine d’années dans une famille de l’ancienne aristocratie française, les De Durand. Ils m’ont envoyé, dit-elle, dans leur résidence d’été en Bretagne nettoyer au pinceau et au grattoir dix heures par jour la rampe du grand escalier, les espagnolettes et embrasures des fenêtres, les lustres et les pieds de meubles. Plus tard, nous courons pour attraper le dernier métro et n’atteignons Alexanderplatz puis Prenzlauerberg Allee, brasero et kitchenette en main, que vers 1h30, frappés par la tenue impeccable des Allemands, même jeunes, mêmes ivres.