Sur le vol Genève-Madrid

    Sur le vol Genève-Madrid, une femme à peau diaphane, aux yeux couron­nés de longs cils. Port raide, gestes rares et mesurés. Habille­ment soigné, coû­teux et mod­este. Aucun sno­bisme. Ce qui frappe, c’est son détache­ment. Elle est assise à deux sièges et sem­ble habiter un autre monde. Quand l’hôtesse pro­pose une bois­son, elle tourne son vis­age, mais le regard est intérieur et si elle nous voit, c’est avec la dis­cré­tion pré­cieuse qu’im­po­saient aux femmes les moeurs du grand siè­cle. Plus tard, elle lit en russe un vol­ume enchâssé dans une reli­ure de cuir décoré, fixe les pages où l’on devine en vignettes, entre les lignes du texte, des por­traits d’aris­to­crates. Frère me sig­nale qu’il l’a remar­quée avant même l’embarquement. Elle est remar­quable. Que dans cette société toni­tru­ante il soit encore pos­si­ble de se mou­voir avec tant de grâce laisse perplexe.