Lecture et conversation autour de 45–12, retour à Aravaca à la Librairie Albert-le-Grand de Fribourg. Avant l’heure un personnage passe la porte la main tendue et demande l’auteur aux caisses. La patronne le renseigne. Il s’approche et me remet une carte de visite dont une face représente un paysage enneigé des Préalpes gruyériennes. Au verso son nom et ses qualités: peintre, écrivain. Je connais ces crêtes que j’ai admirées pendant des années depuis la ferme familiale d’Oron, hauts de Saint-Martin, Dent-de-Lys, Moléson. Le visiteur tient mon livre des deux mains devant son visage couperosé, le passe sous le bras et demande où est l’éditeur. Il est en retard. Je vais l’attendre, dit l’homme qui faire comme il dit, parcourant d’un oeil concerné les plateaux de livres, attentif de fait au seul mouvement de la porte qu’à son grand désarroi personne ne franchit pendant cinq minutes. Plus tard viennent des amis et nous parlons. Enfin, au bout de quelques vingt minutes, je désigne le peintre à Alex Loye. L’homme lui remet sa carte et tire d’une sacoche un manuscrit serré dans une chemise bleue. Rasséréné, il s’approche alors de moi :
- Je vais tout de même vous acheter un livre.
Sur demande, je le paraphe, il le range dans la sacoche à la place du manuscrit bleu et sort. Ce qu’il ignore c’est que l’éditeur s’est excusé et qu’Alex Loye le remplace.